Des khmers et des temples

Ah la la, encore tout plein de retard a rattraper ! Alors voila plein de lecture d’un coup ! En regardant la carte, vous vous êtes peut-être demandé pourquoi on jouait au yoyo ? C’est qu’on y pensait depuis longtemps : remonter au temple de Preah Vihear sur la frontière thaïlandaise.

Entrés au Cambodge le 20 janvier, on descend encore un peu le Mékong jusqu’à Stung Treng. Là, il nous faut traverser une dernière fois le fleuve. (Un pont devrait ouvrir dans les prochains mois, pour l’instant il faut jouer a Taxi pour passer. Ou alors, on peut encore prendre le ferry.)

Débarquement sur l’autre rive.

On change donc de cap, maintenant, c’est plein Ouest pour un moment, avant de poursuivre vers les basses latitudes. On se lance pour une traversée du Nord du Cambodge jusqu’à Siem Reap. Une partie du pays reculée et très peu habitée. Peu de monde emprunte cet itinéraire, l’axe principal consiste à descendre jusqu’à la capitale Phnom Penh. A lire les blogs de voyages, passer par ici relevait de l’aventure il y a encore très peu de temps ! On a peu d’infos actuelles, hormis que le réseau routier serait en amélioration dans le coin. Mais en partant, on s’attend quand même a lutter contre la poussière rouge de la latérite pour quelques étapes… Au lieu de ça, on découvre de magnifiques petites routes, toutes neuves, et sans trafic (ni touristes). L’idéal !

La nouvelle route 62 qui monte a Preah Vihear

La zone est assez sauvage, on traverse de belles forets clairsemées. Ils font des feux un peu partout. Tout plein d’oiseaux aux magnifiques couleurs, dommage qu’on ait rien pour les identifier. Par contre, c’est beaucoup plus sec qu’au Laos. Des qu’on a passe la frontière, le paysage nous a semblé un peu desséché, sans ombre. C’était bien les gros arbres au bord de la route…

Guêpier d’Orient

La route est assez monotone. Mais on découvre quand même un peu la vie rurale. Sur une centaine de kilomètres, les villages n’ont aucun réseau électrique. C’est un ballet permanent de livreurs de glace, une grosse glacière rouge a l’arrière de la moto. On essaye comme d’habitude d’apprendre le khmer, mais c’est vraiment plus difficile que le lao. On arrive tout juste a apprendre les nombres. Les habitations sont sur pilotis, comme au Laos. Dans cette zone assez pauvre, on s’offre quand même le luxe de tables en bois massif (10 au 15 cm d’épaisseur, un bon mètre de diamètre !). Du manioc sèche toujours au bord des routes, ils en font des gros sacs que des camions viennent chercher. Les enfants nous crient sans arrêt des « bye bye » pour dire bonjour. Femmes et enfants adorent porter une sorte de pyjama horrible, avec de supers motifs comme des chats ou des oursons. On voit de nouveau des chargements énormes sur les vélos et motos, peut-être même pire qu’au Viet Nam ! Et le nombre moyen de personnes sur une moto au Cambodge est sans doute supérieur au nombre moyen de personnes dans une voiture en France.

Dans ces villages, il y a souvent des puits. Le soir, on assiste aux séances de douches au bord de la route, a l’aide d’un pagne. Un matin, on en profite à notre tour pour s’y laver (que les cheveux !). Ils font tous comme ça, mais de voir des Barang (Français, et par extension occidental, avec souvent un ton de supériorité compréhensible puisque les occidentaux qu’ils ont vu sont d’abord des colons puis des touristes) se laver au puits semble être un spectacle intéressant puisque un à un, ils viennent se poster et nous observent !

Et puis, dans les quelques villes qui sont sur notre route, on passe du temps dans les chouettes petits marchés :

Excellents moelleux cuits entre deux couches de braises.

Petite explication piquée en douce sur le carnet de Sara

Pressage de canne a sucre

La température monte, mais reste assez agréable, surtout que les nuits sont encore fraiches. Le matin, on part a l’aube et on profite de quelques heures de fraicheur. Avec ces routes toutes neuves, on va beaucoup plus vite que prévu ! Le soir, il y a pas mal d’endroits attirants pour camper, le problème, c’est les mines.

Parmi les inventions les plus stupides de l’homme, la mine antipersonnel figure en bonne position. Le Cambodge est un des pays les plus touchés. Chaque mois, il compte encore aujourd’hui de nouveaux morts et amputés. On traverse les provinces du Nord, limitrophes a la Thaïlande, celles qui sont les plus minées. En restant bien sur les chemins battus, il n’y a pas vraiment de risque. Mais vu l’enjeu, on est un peu parano, on l’a toujours a l’esprit. On sort pas des routes. Pour camper, on cherche toujours des zones ou il y a clairement du passage.

Il nous attirait depuis longtemps, on voulait faire un détour pour remonter jusqu’au magnifique temple de Preah Vihear. Un magnifique temple de l’Empire Khmer. Sara a déjà du vous en parler. Comment ça,  non ? Un puissant royaume qui dominait la région, bien plus grande que le Cambodge actuel, du 9ème au 12ème siècle siècle, à peu près. Il nous a laissé d’immenses temples en pierre avec une architecture et des motifs très particuliers. C’est le deuxième temple que l’on visite, après Wat Phou au Laos. Il situé sur la chaîne de collines qui forme la frontière avec la Thaïlande au Nord du pays.

Preah Vihear

Le problème, c’est que chaque pays veut faire passer la frontière de l’autre coté du temple… Alors, plutôt que de gérer le site en commun, ils préfèrent se tirer les uns sur les autres. Malgré la décision de la CIJ en faveur du Cambodge en 1962, les Thaï gardent toujours leurs prétentions sur le site. Le conflit dure depuis des décennies et n’est toujours pas résolu. En 2008, le Cambodge obtient le classement du site par l’Unesco, provoquant des manifestations en Thaïlande.  Trois ans plus tard, nouveau conflit armé, plusieurs morts et une partie du temple qui s’éboule. Dernier épisode en date, en novembre 2013 La Haye statue pour la deuxième fois sur la question en faveur du Cambodge…

On arrive en fin d’après-midi au pied de la colline. On ne savait pas trop si on pourrait camper a cause des militaires qu’il y a partout depuis 20 km. Mais on pensait trouver une guesthouse. Ceux qui donnent les tickets d’entrée nous disent qu’il n’y en a plus pour cause de sécurité, ils veulent pas qu’on campe non plus sur leur terrain pour la même raison, il faut qu’on fasse 20 km en arrière pour retourner a la dernière ville Sra Em… On tente quand même d’aller voir a l’hôpital de brousse juste a cote (destiné aux militaires ?). Super accueil d’une infirmière qui nous invite a dîner et propose même a Sara de dormir dans son lit (avec elle, bien sur). Merci beaucoup, mais le bâtiment ouvert, dehors, avec des sommiers, nous convient très bien, hum hum.

L’accès est plus facile cote Thaïlande ou ça monte en pente douce. Cote Cambodge, c’est bien pentu ! L’accès au site est (encore) gratuit, ils font juste payer bien cher le transport la haut par une nouvelle petite route très raide. Mais il y a aussi un récent escalier de bois qui monte dans la foret, parallèlement a l’incroyable ancien escalier en pierres, au milieu de gros blocs de granits. Tout du long, plusieurs petits campements militaires gardent la zone.

Marche 1450…

En tout, 2433 marches avant d’arriver sur le site. Sur le coup tout va bien on est chaud, mais ensuite, une semaine de courbatures dans les mollets ! La-haut, il y a carrément des tranchées, des abris sous-terrains, et tout. Il y a pas mal de militaires et autres, un mec nous aborde, sympa :

– Vous venez d’où ?
– De France.
– Ah. Vous êtes montés en pick-up ou en moto ?
– A pied, par l’escalier.
– Ah ! Vous avez garé vos motos en bas ?
– On est a vélo.
– Ah !!! Vous êtes venus de Siem Reap a vélo ?
– Euh non, de France.
– Ah !!!!!!

C’est vrai, parfois on aime bien se la péter et ménager nos effets. Parfois, seulement ! Le site est splendide.

Et, tout en haut, une vue saisissante sur la plaine cambodgienne.

On a dormi juste la, en bas !

Soudain, des gardes crient ! Une bande de macaques est sorti de la foret. Mais trop tard, le plus rapide a eu le temps d’attraper un fruit sur l’étalage avant que la vendeuse ne réagisse, et ils sont aussitôt repartis. Éclat de rires général. Les gardiens amusés s’emparent aussitôt de bananes et les envoient pour faire approcher les singes. Vu qu’ils sont aussi gaga que nous, ça ne doit pas arriver tous les jours !

Depuis Preah Vihear, on longe la frontière thaïlandaise jusqu’à Anlong Veng (dernier bastion des Khmers Rouge, il est difficile d’imaginer que le gouvernement n’a repris la ville qu’en 1998 !), puis c’est plein Sud vers Siem Reap. On a hâte d’arriver.

Pour profiter de la fraicheur, on roule assez tard le soir. Soudain, plus d’habitations. On est en pleine foret, la nuit arrive. Je regarde la carte : ah oui, c’est écrit « sanctuaire de vie sauvage » ! Déjà on a peur des petites et grosses bêtes, mais de toute façon avec les mines, hors de question de camper hors terrain battu… Puis on aperçoit enfin des cahuttes, de la fumée. Allons voir. Un petit sentier, et on pénètre dans une grande clairière défrichée. Des petits feu brulent un peu partout, des tas de sciure qui brulent longtemps sans entretient. Une grande maison ouverte : une petite famille vit la, et nous invitent aussitôt dedans pour la nuit. La mère nous accompagne ensuite par un petit sentier tortueux, il faut écarter les lianes pour passer, et on retrouve les petites cabanes qu’on avait aperçu depuis la route. Elle nous montre le puits creusé a même la latérite, nous sort quelques seaux, et on se lave sur les planches a coté. Dans la maison, on installe la moustiquaire. Au mur, une grosse mitraillette ou un truc du genre.

– Tu crois que c’est a cause des bêtes ?
– Ah, mais les feux aussi, ça doit être pour les écarter pendant la nuit !

Siem Reap, c’est la ville des temples d’Angkor. Une ville transformée par un lourd tourisme en pleine croissance, pleine d’hôtels et de restaurants a l’occidentale. Ça parle français a tous les coins de rue. Difficile de faire 100 m sans se faire accoster : « tuk-tuk ? tuk-tuk ? » Pas de bol, on arrive la pour le nouvel an chinois. Il y a des hôtels partout, mais ils sont quand même tous pleins ! En plus l’hébergement est cher. On finit pas trouver quand même une chambre a 8 dollars (a Stung Treng on a vait un truc de luxe pour 7 dollars, la c’est un peu nul mais le moins cher qu’on ait trouvé). Malgré tout, petite pause de quelques jours bien agréable a se reposer, écrire le blog, dîner avec Tom et Elo, deux voyageurs rencontrés la…

On avait l’intention de faire changer ma jante arrière, qui a un petit problème depuis la Chine, des petits a-coups quand je freine. Et juste après Hanoi, elle a commencé a se tordre plus sérieusement (un peu comme la précédente qui s’est fendu en Turquie, mais juste un peu). A peine visible, mais ça se sent a fond quand je freine. Son état s’est encore empiré a Paksé. J’ai fait plusieurs centaines de km sans utiliser le frein arrière de peur que ça casse (heureusement que c’est tout plat !), et je voulais vraiment réparer ça a Siem Reap. On avait trouve sur internet une boutique qui semblait un minimum sérieuse, avec un site en anglais. Effectivement, ils vendent plutôt du bon matos. Je leur montre la jante, et explique que je souhaite la changer. Ils semblent n’avoir rien compris, essayent le vélo plusieurs fois, et après 5 minutes :

– Vous voulez essayer pour voir si c’est mieux ?
– Euh, non ça sert a rien, la jante est tordue et j’en veux une nouvelle, est-ce que vous en avez ?
– Ah, je vais voir.

Elle revient avec une jante neuve. Je regarde :

– Euh, la il n’y a que 32 trous, moi j’ai 36 rayons.
– Ah, c’est pas la bonne taille ?
– Si si, il faut bien du 26 pouces, mais 36 rayons…
– Ah, on a rien d’autre désolés.

On essaye aussi au hasard une petite échoppe a vélo. Je lui montre de la même manière, et la première chose qu’il fait, c’est compter mes rayons. C’est mieux ! Il nous sort une jante, mais il n’a qu’un modèle et on sait pas du tout si c’est un truc costaud ou pas… on veut pas trop prendre le risque. Il faudra que ça tienne encore un peu !

Et quand même, le 31 janvier, on visite les temples d’Angkor ! L’entrée n’est pas donnée, on opte pour le pass 1 journée (20 dollars quand même ! et vu que le Cambodge a un niveau de corruption subsaharien, on se doute que ces millions ne vont pas ni pour la conservation ni pour le peuple), et on se fait un marathon du lever au coucher de soleil au milieu des temples ! Un anniversaire sportif pour les 26 ans de Sara ! 4 millions de touristes attendus en 2014. Comme aux dernières nouvelles il n’y a que 365 jours dans l’année, ça fait qu’on est pas tout a fait seul quand on visite. Mais on s’est bien débrouillé, on a évité les hordes de touristes la plupart du temps, sauf pour un temple. Je rentre pas dans les détails, c’est immense, il y a tout plein de temples d’époques et de styles différents. De toute façon, on a pas retenu grand chose. Ce qui est top pour nous, c’est que tout est complètement ouvert, on peut tout toucher, fouiner, emprunter des passages secrets. Par contre, c’est pas top pour les temples, qui se font éroder !

Quelques images : (passer la souris pour avoir le nom du temple)

La journée a commencé par des croissants et chocolatines au Pain du cœur et se termine par un dîner avec les copains Stéphane et Manue qu’on retrouve une fois de plus ! Vous voyez ce que tient Sara ? Oui oui, une tablette de chocolat, venue tout droit de France dans les bagages de Annie-maman-de-Stéphane, voila un beau cadeau ! C’est vrai, il y en a marre, ils connaissent pas le chocolat, en Asie !

26 ans de Sara

Dans les bagages, il y avait aussi quelques trucs pour nous, de quoi se préparer pour la suite ! Merci Annie !

11 Responses to Des khmers et des temples

  1. hujjo says:

    Marcher dans un de ces temples, ça doit être quelque chose… Magnifique architecture ! J’ai particulièrement aimé les arbres recouvrant les ruines :)

  2. béné says:

    les photos sont très chouettes, ca donne envie. Comme tu es bronzé Sara, je ne t’ai jamais vu comme ca.
    profitez bien
    gros bisous

    • Sara says:

      Héé ! T’as vu ça ?! Faut dire que j’ai à peine eu le temps de débronzer entre deux étés ! J’ai des milliers de taches de rousseur qui apparaissent, du jamais vu !

  3. Myriouf says:

    du chocolat… et Romain Duris en face ;)
    bon, ça tombe bien le chocolat, on pensait en mettre avec les livres qu’on devait acheter, et comme on ne devait plus les acheter… c’est resté au stade d’idée. mais Ananas et moi avions prévu d’en glisser dans le paquet (on savait pas trop si ça craignait pour la douane ou la chaleur mais apparemment c’eut pu)…
    sinon c’est cool d’avoir des nouvelles, biz

  4. anne-laure says:

    C’est super joli :) je trouve que les temples sont super beaux ! vous prévoyez d’écrire un livre ensuite ? ca pourrait être sympa ;) c’est tellement différent d’un pays à l’autre, et ca change des récits pour touristes !
    Et sinon pour l’annecdote, la nounou qu’on a trouvée est d’origine cambodgienne ! On l’a vue que 2 fois mais elle a l’air très gentille !
    Bonne suite de voyage !

    • Sara says:

      Merci ! l’idee d’ecrire quelque chose commence a nous titiller meme si on etait loin de l’imaginer avant de partir. Ce voyage nous provoque tout un tas de reflexions, et on consacre pas assez de temps au blog pour ecrire tout ce qu’on aimerait. On verra une fois pose si la motivation est toujours la ! apres, la question de la publication, c’est une autre affaire, la concurrence est rude !
      Chouette pour la nounou cambodgienne :)

  5. sophiel says:

    toujours tres agreable de vous voir et vous lire bonne continuation

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